mardi 22 octobre 2024

Livres (murs d'enceinte de).

 Je me souviens de ce très gros et lourd et très ancien livre, qui remonte à Raymond VII, était-ce à Cordes-sur-ciel, ce libre ferrat ? où s'arrêtèrent un instant tant de gens de passage, dont Albert Camus qui la goûta au point d'écrire sur lui, la perfection du site, qui était attaché par une chaîne à gros maillons, de peur qu'un indélicat aille s'emparer de ces précieux parchemins aux sujets et registres divers, qui au moyen âge, encore mis à disposition des lecteurs, attaché donc par une énorme chaîne à un pilier sous la halle publique de la ville et qui aujourd'hui, en plus légères techniques ultra sophistiquées, a été reproduit pour le musée des Augustins de Toulouse.

Emporter un livre est devenu un acte quotidien léger. Poche, valise, sac, au bout des doigts sans entrave. L'emprunter, le prêter, l'acheter, l'offrir, le voler, le perdre, le brûler, le déchirer, le corner, le tacher, le laisser tomber dans la mer, l'oublier sur une île. Le livre vole au loin de ses propres ailes comme un oiseau depuis surtout qu'on en a supprimé ferrures, reliure et couverture lourdes, cousues, emboîtées pour en faire de si légers livrets brochés.

Le problème ne commence qu'avec le rangement, les étagères et les bibliothèques.

Cette petite machine primitive, cerveau, yeux, doigts, tourner les pages et revenir en arrière s'il le faut, ou aller voir au bout si l'on veut tricher, simple et commode, à moins d'être numérisée et dématérialisée, est hyper fragile et très lourde finalement quand elle forme des bancs ou des vols entiers d'êtres contenant la vie (oeuvres d'une et racontant) extérieurement proches en apparence, mais bagués identifiés, titre, auteur, date, totalement individualisés.

Comment les mettre en cage, en cartons, en tas, en piles, en containers ?

En collections et prolifération de rangées, la croissance de la bibliothèque, pierre à pierre, brique à brique, bloc à bloc, s'arrange à former des murs où il est possible, mille signes gravés, interprétés, parois d'argile enfoncée de clous, comme dans un labyrinthe familier de s'enfermer pour chercher l'issue, la clef du mystère, la sortie du jeu.

Alors de deux choses l'une, ou le livre enferme et sert à se cacher en sa tanière forteresse, à se laisser dévorer . . . ou il sert à s'évader, hors du livre y compris.

Les deux mon capitaine. Bien que je sois du genre à fuir sans cesse l'enfermement.


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