Mon fétichisme ne se manifeste pas (rempart, forteresse de la mémoire disloquée ?) dans mes archives que . . . même si principalement avec quelques objets ethnologiques dont j'ai été collectionneur occasionnel, dans les livres
accumulés par sections et périodes, y compris,
revues telles, rares résidus de toute une époque littéraire post-soixante-huitarde (peut-être consécutive et induite effectivement, par "transfert de champ" ! . . . ): exemplaires sauvés du feu, de l'humidité, de la moisissure, de déplacements et stockages multiples . . . de Tel Quel ou Change, à gramma sur Bataille (automne 1974), Promesse (printemps 71), Poétique (même année), Digraphe (76) avec des textes de Roland Barthes ou de Pierre Guyotat (quelle époque ! moi qui suis pourtant si peu nostalgique . . . ),
parallèlement ou plus tard toutes sortes de documents sur les arts plastiques dont subsistent, rescapées de tris arbitraires et forcés, quelques Art Press du temps de Catherine Millet . . .
. . . une armoire ou presque de guides touristiques, dictionnaires bilingues, certes . . .
ou comme objets devenus sinon intouchables, du moins sacrés, que j'ai maintenant la charge de conserver intacts, sur mes étagères si difficiles à dépoussiérer . . .
objets de divination africains, petites sculptures minimalistes manifestement chargées de pouvoirs,
et ces terribles huacos, poteries péruviennes archaïques, à la fois cruches à eau et instruments de musique sifflant sur plusieurs notes, retrouvés dans des huacas, à côté de grelots en forme de tête de chouette et de bijoux de pierres en colliers, dans les tombes de sable du désert côtier, accompagnant des morts dans ces cimetières, dont ne restaient que des crânes et parfois, des bouts de mèches brunes résistantes et des tissus de suaires ornés de pélicans ou de perroquets . . . . . . .
. . . . . . . . / . . . . Car il peut avoir lieu partout ce fétichisme. En n'importe quel objet qui du coup en devient, malgré lui et par détournement, symbolique.
Ainsi à côté de cette série de livres aujourd'hui introuvables, parfois en éditions locales, sur les oiseaux des pays où j'ai pu vivre, mais dont je n'ai pu le plus souvent percevoir que certains et parfois seulement par leur chant ou par quelques éclairs de plumages de loin, en réalité, souvent, pas à côté, pas tout prêt, hypnotisé de cette beauté fugace, ni comme filmés dans les documentaires animaliers qui sont aujourd'hui mon pain quotidien, et . . .
. . . dans une autre armoire, ces livres vieux trouvés ou récupérées à droite et à gauche, éditions de certaines livraisons oubliées où se manifestaient les plus grandes superstitions exploitées en librairie ou vitrine de gare, au sujet des pyramides ou des lignes de Nazca (les vraies et mystérieuses lignes du désert), y compris cette magnifique supercherie virée au carambouillage grotesque organisé par un chirurgien ayant fait fabriquer des galets gravés pré-incaïques pour son fallacieux pseudo-musée personnel sur place . . . (nos élucubrations archéologiques ne sont-elles pas parfois tout aussi faramineusement incongrues et mensongères ? songez au temps qu'il a fallu pour comprendre que les restes d'animaux découverts immergés dans des mers de glace ne relevaient pas, dans la préhistoire nordique, d'un quelconque culte fait de sacrifices animaliers mais d'un comportement humain anticipant sur nos réfrigérateurs.)
Ainsi je garde aussi, punaisée à une porte de meuble, la lettre courtelinesque de réponse administrative envoyée à mon beau-père pêcheur de sandres et brochets devant l'Eternel, qui s'était plaint en haut lieu d'une restriction de cette pratique à la suite de la modification d'une digue dans un certain lieu de rencontre entre deux cours d'eau (le Tarn et la Garonne).
Peut-être parce que pour moi (qui ne suis ni pêcheur ni chasseur et qui n'ai jamais pris au sérieux un dixième de nos actes et coutumes bureaucratiques) ces lieux de rencontre et d'eaux mêlées ont une toute autre signification intime et secrète.
Ainsi j'y tiens beaucoup et j'ai accroché dans la fameuse cabane de jardin dont le toit rénové et fait d'un matériau nouveau qui prend légèrement l'eau, ah progrès incessant des fondamentaux ! un archaïque râteau fait . . .
Sans parler de ces couteaux pliants portatifs, anonymes et usés, mais de (chefs de) famille à n'en pas douter qui de temps à autres me servent à couper des pages . . .
J'utilise souvent, objet encore plus trivial . . . cette pierre à aiguiser de faucheur . . .
On le voit, ancien nomade je vis en quelques lieux . . . je vis . . . sauf ici . . . parfois, ou justement d'autant plus enraciné ici maintenant, un peu partout et ailleurs, entouré de marquages et de bornes parfois illisibles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire