lundi 11 novembre 2024

Dio et le portrait.

Tout le monde se demandait comment Dio, Dioclétien Darko Brač de son nom entier, avait pu grimper là-haut, si haut.

Arrivé en traversant les Alpes en hiver juste après de graves émeutes à Split, il avait d'abord vécu à Menton où il avait été embauché clandestinement comme manœuvre puis comme maître baigneur auxiliaire durant la saison d'été. Parti à Lyon  puis Avignon il avait décroché un petit rôle improvisé dans lequel il jouait son propre personnage ce qui lui avait donné une place dans l'équipe du rebelle inventeur du Off avignonnais,  André Benedetto. 

Ensuite se produisit le miracle.

En Croatie, encore très jeune étudiant, son début de carrière parallèle à ses études aux Beau-Arts comme assistant d'un photographe de monuments historiques l'avait amené à s'intéresser aux représentations statufiées des grands, des héros, des fameux clouées sur les façades publiques ou dressées au milieu des squares. Puis de là, aux effets sur ces représentations pour le simple spectateur situé au pied de ces oeuvres sculptées, quand elles étaient affrontaient aux lois de la perspective, soit debout sur un socle haut ou parfois chevauchant un noble coursier, soit insérées dans la niche surélevée d'un mur de façade ou, de temps à autre, sous la forme de bustes en médaillons logés tout en haut sous l'avant toit d'institutions nationales. 

De fil en aiguille il était devenu un as à ces jeux sur la perspective déformée dite, quand elle est un art maîtrisé - et il ne suffit pas de se dire qu'il faut pour cela allonger le cou des statues vues par les badauds au sol et par en dessous - d'un joli mot savant : anamorphose.

Il avait aussi recréé son univers antérieur dans le grenier non chauffé mais spacieux où il logeait, utilisant son récent savoir et ses observations personnelles, et commencé à peindre de petits ou très grands portraits à partir d'images photographiques de son cru ou non, qu'il accumulait, prises sous divers angles parfois très inattendus, sur ses modèles bénévoles ou dans les revues rendant compte des événements officiels. C'est ainsi qu'il avait, à partir de clichés de magazines pris en contre-plongée depuis le pied des tribunes d'un événement public, réussi un portrait de H R , L'Homme à la Rose *.

 Un portrait qui le rendait dans sa dignité dominatrice et sereine, avec, là était sans doute le trait réussi, venant du plissement des yeux ou de la lèvre inférieure et d'un mouvement des doigts de la main aussi, un zeste d'ironie un poil méprisante et cependant / comment rendre ces contradictions si aigues et subtiles ? / non dépourvue de bienveillance ou de componction.

Comment l'Homme à la Rose avait-il eu connaissance de cet obscur et même secret portrait, puisque l'objet était resté enfermé dans une sous pente dont il n'était jamais sorti ? Où, comment l'avait-il vu ? Peut-être lui en avait on (qui ?) très indiscrètement, révélé l'existence. S'il l'avait vu, chose improbable, lui avait-il plu ?

Pourtant, le fait est là, il l'invitait à une rencontre.

Le fait est que Brač qui dut ce jour causer une très particulière impression d'homme aux capacités remarquables, ou pour une toute autre raison difficile à cerner (certains pensent à des relations et à quelques entrées dont il avait gardé le contact dans son carnet d'adresses, dans sa mémoire, lors de ses pérégrinations livrées au hasard de l'expatriation et de sa position précaire d'immigré d'abord clandestin), fut assez vite recruté . . . 

                        . . .  et placé sur la liste des Conseillers à la Présidence n'ayant de compte à rendre qu'au souverain en personne.

Autre fait remarquable, ses capacités n'étant sûrement pas les moindrement singulières, il faut que sans dévoiler le fin mot de l'histoire, j'annonce en effet déjà que l'éminence cachée Brač, le conseiller hors norme à tout faire réfugié d'un monde disparu, a eu une très longue trajectoire. Il a longtemps survécu en tant que Conseiller Spécial en quelque sorte Inamovible avant de disparaître dans des circonstances inconnues malgré toutes sortes de recherches (y compris celles que j'ai personnellement poursuivies longtemps dans l'ombre des chancelleries), survécu non seulement à des missions réputées impossibles mais surtout aux à-coups et chaos provoqués par les règnes successifs des princes qui ont ensuite détrôné H R jusqu'au dernier Prince qui survole aujourd'hui nos assemblées.


* Appellation choisie par les services spéciaux de la Présidence qui notaient dans les rapports HR pour plus de commodités et moins de transparence.


dimanche 10 novembre 2024

Dio et le sphinx ramené d'Egypte.

Il semblerait, mais rien n'exclurait vraiment la possibilité qu'il s'agisse d'une légende élaborée un jour de célébration et de bringue, d'une de ces légendes que les compagnons d'armes, même hors combat, même et pourquoi pas dans ce cas précis, lors de ces fêtes organisées après une victoire partielle de ce qui était encore une guérilla et dans l'angoisse ressentie face à un avenir encore incertain, pour conjurer les appréhensions, faites de beuveries accompagnées de grands récits lyriques ou mythiques, à la mode des héros antiques présents, même chez les rouges et les partisans armés, dans toutes les mémoires de ces guerriers de Méditerranée illyrique.

D'un mot voici les faits :

Dio s'appelle-rait Dio parce que trouvé par sa mère, une passionaria parmi les premières engagées sous les ordres de Josip Broz devenu vite Tito, sur le dos du sphinx noir de Split.

Voilà.

Ni au pied de, ni entre les pattes du.

Sur le dos, voici la légende.

Elle dit aussi quel sphinx car comme ne le documentent pas ou mal les guides habituels, il y en a plusieurs à Split. Lequel parmi la dizaine ou douzaine (semble-t-il) envoyés ou rapportés d'Egypte par Dioclétien / incontestablement obsédé par la grandeur pharaonique symbolisée par cet homme-animal hybride / Caius Valerius Diocles, qui après une carrière militaire et déjà devenu empereur, y passa plus d'un an. 

Or ces sphinx vieux de plus de 3.000 ans, étaient à ce moment-là, seuls rescapés de l'ensemble, au moment où naquit Dio, au moment de la Yougoslavie occupée par Allemands et Italiens et divisée en factions ennemies, au nombre de trois. Dont un plus petit qui se trouvait dans une sorte de cour servant de passage derrière le palais et un autre dont la tête rouge subsiste dans un musée. 

La couleur, le granit noir, cependant indique précisément qu'il s'agit de celui qui étire ses trois mètres de long encore aujourd'hui devant le mausolée devenu cathédrale.

Et il semble encore qu'on puisse imaginer la future mère adoptive de Dio passant rapidement comme tous les matins, traversant le ville, par un matin glacé comme il peut y en avoir sur cette côte, par vent du nord, par bura violente, retenue par le cri d'un enfant de quelques jours, mystérieusement abandonné, emmitouflé et couché dans un berceau de bois décoré en forme de panier.

Ainsi auraient été marqués par un sceau fabuleux les débuts d'un immigré en France qui allait devenir conseiller et agent secret de plusieurs princes régnant sur l'hexagone.


D de Dio, pourquoi diable l'appelait-on Dio ?

Ceux qui lisent (ont lu) l'audacieuse et incroyable revue Marsam ( Marsam.graphics ) qui s'est d'abord présentée comme un atelier de bande dessinée en rapport avec Angoulême, ville de 50.000 habitants citée dans une lettre datée de la fin du quatrième siècle par le poète Ausone alors qu'elle était déjà une forteresse, située sur l'axe Paris-Bordeaux-Bayonne, capitale mondiale de la BD culminant à 133 mètres mais qui se trouve être beaucoup plus que ça . . . et notamment un lieu d'incroyables rencontres, ont fait connaissance avec le fils de Dio, un épisode où il apparaît entouré de comparses dans une aventure qui le mène, entre autres lieux, de Barcelone au Cap dit Creux en région frontalière avec la France, haut lieu de magie et vénération dalinienne, mais personne n'a réellement connaissance de son père autrement que par ouïe dire.

Cette histoire, celle de Dio lui-même, commence par un prénom rare.

Bien sûr, je n'y étais pas mais le fait m'a été rapporté par plusieurs témoins compagnons de sa mère, anciens partisans aujourd'hui tous disparus. 

Si Dio s'appelle Dio c'est par référence ironique à Dioclétien, l'empereur qui décida le partage de l'Empire Romain en Empire d'Orient et Empire d'Occident avant de se retirer dans son palais maritime, ville-palais qui se visite encore puisqu'il est devenu le cœur, le lieu le plus vivant de Split, transformé longtemps après la mort de Dioclétien, en refuge pour les premiers habitants de la future ville dans ses murs toujours debout.

En effet, ce n'est un secret pour aucun de ses amis, Dio est un "enfant trouvé". Trouvé où ?

Je vous le donne en mille.

P de (bon) polar (suite et fin).

Evidences. Vous le saviez, le bon et horrible polar (parfois, par accumulation de couches, outrancièrement raté) devenu best seller, n'est qu'un puits plus ou moins profond où nous cherchons, dans cette infime part de ciel enfouie en reflet où risque d'apparaître notre image minuscule au fond du trou noir, mais c'est clair, notre image.

Mais la vraie question serait historique : pourquoi cet envahissement contemporain progressif avec cette armée en acmé de serial killers qui tend un peu aujourd'hui à prendre une courbe descendante (et apparaissent déjà d'autres fantasmes sur lesquels revenir plus tard) ?

Qu'avons-nous traversé, vécu, imaginé, matière à compenser, pour en arriver là dans nos manières de divertissement ?

Pourquoi cette hideuse représentation symbolique de la vie nous est-elle imposée ou  impartie ?

Pourquoi avons-nous choisi ou vu nous déborder ce héros aux tendances et aux tripes retournées ?

Comment en être réduits, comme loisir pimenté, à la fascination de cet humain devenu monstre qui vit sa sexualité comme un échec irrémédiablement condamné au négatif et au démoniaque ?

Bien sûr, les horreurs des camps d'extermination sont passées par là, elles-mêmes filles des avants coureurs apprentissages des conquêtes coloniales et des génocides des peuples premiers, découlant de siècles d'abominations constituant notre socle civilisationnel.

La seule nouveauté, de taille, serait ce report de culpabilité collective sur l'individu singulier, le surgissement de ce monstre, cette apparition de M le Maudit, apparu quant à lui pendant la montée du nazisme, comme monstre expiatoire individualisé. Oh ! quel repli sur l'identité ! Totem ambigu, repoussoir-miroir de nos angoisses.

. . . . . . . . . . . . . . .

Resterait encore à comprendre toute la distance parcourue depuis Gilles de Rais compagnon de Jeanne d' ARC . . . retournement religieux inintelligible . . .  revoyons donc (jamais fini de lire) / et cédons la place à / l'inoubliable exploration de Bataille, un certain Georges.

samedi 9 novembre 2024

P de (bon) Polar (suite).

Car qu'est-ce que ce goût si marqué si accentué, si envahissant, néo civilisationnel, que nous avons pour l'intrigue dite policière avec sang, carnage et pin pon ou subtilité psychologique  ?

Goût du jeu, de l'énigme, du mystère?

Macache, prétexte.

Ce qui nous y précipite est ce goût  de trancher, de couper, de trouer, d'aller voir au fond, de percer enfin le plan aveuglant de tromperie de ces vies maquillées et huilées que nous affichons.

Et aussi cette peur panique de nos tripes face à tous ces artifices propitiatoires du rituel de la mort.

Mais on l'aura compris, artifice sur artifice, plus le polar est louche, sanglant, tordu, hécatombal ou subtilement obscur et satanique plus il cache encore, un réel bien pire. 

Bouclier symbolique, masque, jeu de mime et de terreur il est, il n'est que leurre, exercice d'école, entraînement à la guerre, jeu naïf d'impubère par rapport aux cruautés froides du hasard qui régit le réel.

vendredi 8 novembre 2024

P de (bon) Polar.

Aujourd'hui, jeunes ou vieux auteurs pour que votre polar (son scénario préalable ou entièrement écrit déjà) soit accepté-table, film ou roman, la première condition auprès du producteur-éditeur est que le flic, l'enquêteur, le détective privé, le détective amateur improvisé, en tous cas le principal protagoniste inspiré par sa quête, soit malade pas souffreteux, si possible gravement et/ou traumatisé par un événement de son enfance ou de sa vie d'adulte, à minima alcolo, allons jusqu'à la névrose, lucidement désespéré par ce qu'il a vu chez lui et chez les autres, plein de douleurs récurrentes et culpabilisé par son passé, et pour commencer à deux doigts de la retraite ou de la mort, en vacance/s et rattrapé par son travail et sa conscience, brutalement comme la douleur aigue d'un mal de dent qui surgirait en plein moment de bonheur, happé, chu dans le piège profond, repris par une tâche spécifique après cette sensation de vacuité provoquée par sa mise à pied, son absence justifiée ou non, ou son pot de départ.

Pourquoi tant de conditions et de précautions ?

Peut-être et pas pour rien, 

pour mettre à vif et dénuder cette notre propre sensibilité

propre à nous, passifs et un peu anesthésiée, 

noyés que nous sommes au sirop de modernité avalé, 

pub-confort-bien-être-bien-pensance, épaisse tartine étouffante triangulée, perfusion douce . . . 

par réaction d'identification mimétique à ce héros, sensible capteur déglingué, 

gencives, rétines, tympans dégagés, sans cils, sans paupières, sans lèvres, sans pavillon, sans protection, réveillés,

exposés

à l'horreur, aux coups, aux tabassages, aux trahisons, aux meurtres, aux aléas inévitables, piment redouté de la vie, qui vont suivre. 

Danube.

Je crois savoir ce qui nous manque.

Incontestablement, oui, un paysan du Danube.



jeudi 7 novembre 2024

C des mille Césars.

 Car enfin comment prétendre qu'ils furent douze ? 

(comme Suétone, le laconique Suétone, bibliothécaire et conservateur en chef de l'empereur Hadrien qui eut toute latitude par accès spécial aux archives impériales, pour raconter méthodiquement et sans litote mais donc très laconiquement ce qu'il faut savoir de César lui-même et de ses successeurs, souvent fils adoptifs ou neveux et descendants du vainqueur des Gaulois, écrits qui ne purent être mis entre les mains des jeunes latinistes pas forcément ravis de devoir traduire et d'abord comprendre la concision extrême de certaines notations du maître du discours froid et même glacial, qu'en fragments expurgés des sauvages cruautés, brutales folies et surtout débauches prodigieuses ((si nos latinistes en herbe l'avaient su auraient-ils pu être un peu mieux motivés (((?))), en cet âge excité, frustré où nait cette curiosité des détails grivois, graveleux, voire lourdement grossiers, horribles détails décrits la plupart d'entre eux selon la vox populi mais souvent avérée par les témoignages) . . . . ? 

Etrange de voir comment la race humaine a produit tout au long de l'histoire et produit encore et plus que jamais, des despotes.

Note peut-être nécessaire : Blaise, un ami internaute majeur, me fait remarquer à très juste titre que ces despotes sont disséminés à tous les niveaux de la pyramide sociale jusque, et souvent, hélas, dans le repli secret ou glorieusement ostentatoire des hiérarchies et des familles. C'est bien ce que je suggérais, non seulement prolifération et dissémination historique mais métastase des mille Césars de toutes les tailles nichés partout dans la fourmilière, pas seulement au sommet politique.

mercredi 6 novembre 2024

S de "Shame".

Jour de honte pour toute l'humanité.

Ce n'est pas un seul peuple ce sont tous les peuples qui sont ainsi.

La majorité des individus formant les peuples, et cela arrive dans tous les peuples, pour peu que ce peuple se sente un peu en désarroi ou se trouve réellement en crise, et l'histoire est une une succession de crises, choisit ou se laisse imposer au lieu de celui ou celle qui pourrait le mieux répondre à ses aspirations, à ses besoins, à ses nécessités, celui qui plus par sa personnalité que par son programme, s'impose lui-même. Celui qui a assez de vitalité, d'audace, de croyance en lui-même, de virulence, de vanité, pour se projeter en chef d'Etat. Celui qui est animé d'une si puissante ambition qu'il est prêt à tout écraser, à tout enfreindre, mépriser, piétiner, violer ou pire pour y arriver.

On parle d'Etat voyou. 

Ne devrait-on pas dire que tout Etat devient voyou sous la coupe, de celui qui par ses actes et son exemple, son égocentrisme forcené impose son modèle scélérat ?

Mais après tout ce despote parfois élu n'est il pas choisi comme meilleur représentant de nos propres tendances inavouables et inassouvies ?


lundi 4 novembre 2024

Bio and Co.

J'étais en train de peler une pomme d'une seule venue avec mon couteau le plus tranchant et la peau spiralée à formé dans l'assiette exactement ça : bio & Co

Mais le tout n'est pas de vivre bien que ce soit premier. L'essentiel serait ; ; ; 

de faire plus que vivre, de . . . se dédoubler (ce que nous faisons tous) mais pas par autolâtrie, par tentative et application d'extrême lucidité ou de simple auto-dérision critique. Tout au long de sa vie, se voir, se situer, se recadrer. De ce mécontentement constant, de cet inachèvement, de ce regard de l'autre réel ou imaginé, nait l'écriture, peut naître l'autobiographie ou l'aptitude à essayer la place de l'autre, sa vision extérieure à la mienne. Ecrire serait porter un miroir en traversant le monde a-t-on pu dire à peu près, dédoublement, reflet, promener une chambre noire, mimesis, parodie, dessin, caricature, portrait.

Mais pour raconter il faut avoir vécu. Je dirai être proche de la fin. Oui c'est plus légitime. Non pas c'est moi, regardez ! voyez ce que j'ai déjà fait et vécu dans ma prime jeunesse, ou à trente ans à peine, mais au contraire, il se trouve que je vais disparaître et je laisse tout juste une griffure dans l'écorce, seulement ça, un caillou sur mon chemin, un poteau de couleur, un graffiti de mur de prison, une petite sculpture de table, taillée dans le bois, sans prétention, déjà blanchie par son séjour de flottaison sur les ondes et les colères de la mer, car je ne suis que ça, ce naufrager perdu tournant en orbite ou accroché à son radeau, à son île déserte, ce prisonnier, cet adolescent, ce petit poucet, ce vagabond des forêts.

Mais encore, non retiré, vivre encore. Et quels que soient les soubresauts et ruptures et bouleversements autour, ne pas lâcher . . . ne pas renoncer . . . 

Sinon il n'y a pas plus d'histoire que de champ déjà ouvert devant le laboureur. L'histoire peut à chaque instant encore basculer. Finir. Reprendre. Bifurquer. S'enliser. Rester inachevée ou traverser encore une baie, un méandre, un pont suspendu.

Il faut attendre. 

Si je n'ai pas plus écrit c'est que j'ai privilégié la vie. Le vécu. Je n'avais pas d'ailleurs aussi fort cette envie de raconter. Je voulais construire, explorer et éprouver. Peut-être jouer un rôle. Que de fois ai-je eu cette impression de jouer un rôle ?

Et aussi vivre le grand amour. 

Oui tout ça.

Dévoiler, rencontrer. Avoir plusieurs vies. Simplement chercher comme plaisir pur. 

Essayer de comprendre. Le plus difficile et improbable. 

Si aujourd'hui j'écris sur un écran transparent au vu de tous, c'est encore pour continuer à vivre. Pour essayer encore de percer des secrets. Je n'ai pas dit le grand secret. De petits bouts. Elucider. Fragmenter les mystères et en résoudre quelques uns. Cette fois avec le recul et toujours pas d'indifférence. 

N'étant plus apte aux grands départs, aux grandes aventures mais cherchant toujours l'inconnu.

M'inscrire sans maillot numéroté, sans sponsor, comme un coureur solitaire, heureux de participer, dans ce grand marathon, coudoyer ces milliers, millions, milliard bientôt de blogueurs déjantés, courant on ne sait où. 


samedi 2 novembre 2024

C de Carnets et Courgettes.

J'ai utilisé au fil du temps toutes sortes de carnets et de cahiers aux pages quadrillées, aux couvertures de couleur, aux endossures, dos et mors, de tissus noirs, aux cartons de couvertures ornés de photos décoratives, aux feuilles reliées par une spirale traversante, de temps à autre entre lardés, pense-bêtes ou marque-pages glissés dans le volume, faits de demi-pages A4 ou juste pliées en deux, quand elles ne formaient pas, ainsi emboîtées, de mini-carnets, contenant des notations encore plus rapides et à reprendre.. C'étaient là mes matrices, ces carnets de notes, des points de départs arrachés aux activités quotidiennes en guise de marche pied, de plongeoirs ou de tremplin pour des récits ou des réflexions à travailler éventuellement plus tard. 

Moi qui aime tellement les incipit, cet art de ne pas finir de commencer, de laisser le champ ouvert, de poser des marques d'avenir, des occasions de re-commencement, c'étaient mieux encore, mes pré-incipit en quelque sorte.

Multiplier les starting-blocs.

J'en ai eu quelques uns de ces dépôts de projets où tout se mêlait - faute de temps pour développer ou souvent encore plus dans l'urgence de peur d'oublier, parce que j'avais ce carnet sous la main, sur un appel, un coup de fil, pour ne pas oublier une précision, un détail, une référence qui m'avait traversé la tête ou qui m'était tombé sous les yeux - des choses concrètes à faire, des tâches ou des relevés quotidiens qui pouvaient ainsi, séparés entre deux traits ou pas, voisiner avec des bouts d'inspiration jetés en vrac, le tout n'interagissant que rarement, collages absurdes, sans aucun intérêt a priori.

Aujourd'hui j'ai moins d'obligations, moins d'occupations, de presse,  j'ai donc conjointement sur mon bureau deux carnets théoriquement bien distincts, l'un couvert de photos de tranches horizontales de plages caillouteuses superposées, l'autre à la couverture faite de la photo d'une collection de papillons épinglés sur le même présentoir.

Mais il arrive encore que par le fait du hasard de mes déplacements dans la maison ou beaucoup plus loin, je n'ai pas le carnet qui convient.

Il m'indiffère alors, encore de noter mes courses dans la proximité d'un petit texte où je dis trois mots de ce que je suis en train de lire ou que j'ai envie d'écrire. Tiens actuellement je retrouve écrit à côté et en même temps qu'une note sur les nouvelles de jeunesse d'Hemingway et qu'une autre sur les premières impressions heureuses à la lecture des premières pages d'un roman écrit par Laurence Cossé restituant scrupuleusement les étapes de la construction de l'Arche de La Défense, cette notation : plutôt que courgettes si sèches et si chères, voir les fameuses et luisantes aubergines surdimensionnées.

vendredi 1 novembre 2024

G de généralisations totalement abusives (ou autrement dit A d'Australiens ou P de Polonais)

 J'aime les films australiens, pas seulement parce que l'Australie c'est tellement super-exotique pour un antipodien nîmois surtout connaisseur de l'autre côté du monde, avec tous ces déserts et toutes ces bêtes d'une autre planète, mais parce que cette violence brute et sacrée dont ils nous abreuvent, cow-boys et gens déclassés hors normes, aux mœurs d'aventuriers rastaquouaires ou minimalistes de la carabine Sako, en bute aux conditions accablantes du bush, aux incendies et aux résidus déclassés des 500 peuples premiers occupants, outrepasse, celle, éculée et vintage mais lissée et recolorisée des violences des vrais westerns trop vues.

J'aime aussi mais un peu moins les films polonais nourris de plaines brouillardeuses et tristes, de villages délabrés, de bureaux et mobiliers urbains misérabilistes, de combines assaisonnées de trafics d'alcool et de frontières et surtout de ruses troubles et implacables et aussi des rancœurs et férocités non disparues dans les mémoires de la Guépéou et autres NKVD.