J'ai placé dans un coffre un certain nombre de documents qu'on pourrait appeler secrets ou "sensibles" mais que je préfère nommer "à risques".
Rassurez-vous pour ceux qui ont déjà lu "Au fond de mon jardin, la borne" dans cette étonnante revue qui a nom " Marsam.graphics ",
je ne parle pas ici de cette sorte de borne invisible de la dimension et d'un poids qui était au moins celui d'un coffre-fort . . . qu'un jour j'ai rencontrée en buttant sur l'une de ses faces invisibles, doublement cachée, par sa nature et masquée, quand bien même eut-elle été percevable à l'œil, par une végétation presque inextricable interdisant son accès, sauf à un obstiné et soumis aux caprices du hasard comme moi, et donc un contact avec elle, sous la forme d'un choc. Non, je ne parle pas de cette borne qui est le point de départ d'une histoire rocambolesque, pas loin d'être fantasmatique, racontée en feuilleton échevelé,
je parle beaucoup plus prosaïquement d'un vrai coffre percevable et accessible où j'enferme ces documents que m'envoyait Dio avant sa disparition.
C'est lui qui avait choisi cette modalité de sauvegarde de ses documents.
Sans arrêt sur la corde raide, risquant d'échouer ou de disparaître lors de missions périlleuses où aucune sécurité ne lui était garantie par un employeur prêt à nier tout contact ou toute relation de commanditaire, sans arrêt menacé par tous ceux qui avaient tout intérêt à ce qu'on n'approfondisse en rien davantage les affaires tronquées, falsifiées, maquillées, qu'il essayait de clarifier, il voulait qu'au moins un fil, aussi ténu soit-il, le relie et relie ses résultats de recherche déjà acquis à un témoignage qu'on aurait lui, une fois mis en sûreté, du mal à faire disparaître. Peut-être aussi, autant qu'il puisse compter sur ma loyauté, voulait-il relier son action à quelqu'un qui lui-même témoignerait de ses tentatives et de ses avancées.
J'avais donc enfermé dans un coffre discret mais bien costaud, quelquefois (rarement, quand j'avais des difficultés à les ordonner) en vrac, quelquefois (le plus souvent, méticuleusement) regroupés et classés, ses envois sous forme de récits courts, de messages codés, de télégrammes ambigus, parfois (très rarement) d'objets pièces à conviction ou, s'il en avait le loisir, de témoignages détaillés. Ces documents écrits étaient à la fois très précis, datés et annotés, mais aussi parfois réellement rédigés en comptes-rendus entrant dans les détails de l'opération exécutée et cependant assez mystérieux, quand ce n'était pas totalement incompréhensibles pour quelqu'un qui n'aurait pas été au courant de ses déplacements géographiques constants. Jamais cependant n'y apparaissait l'essentiel : le but réel de la mission, le nom des personnes, et donc, encore moins le lieu.
Cela les rendait donc à la fois inopérants, inutilisables hors interprétation et terriblement dangereux pour lui et pour celui qui les détenait, une fois retrouvé le fil conducteur des interventions, des voyages, des cibles de réel espionnage à divers niveaux de l'action publique ou secrète des protagonistes investis d'une autorité officielle.
Et j'avoue que, lors de certains envois je restais moi-même d'abord incapable de saisir le sens ou l'intérêt de ces informations, c'était pour moi comme un alphabet indéchiffrable, j'en étais mortifié et troublé, puis quand j'avais saisi ne serait-ce qu'un indice de l'importance du document, c'était la peur et son angoisse qui me saisissaient. Dans quelle sale ou monstrueuse affaire s'était-il fourré me confiant le lourd privilège de devoir en débrouiller un écheveau trop labyrinthique et entrelacé pour le bureaucrate pris au réseau des rapports officiels que j'étais?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire