mardi 5 janvier 2021

C de citerne de pleurs et lenteurs.

J'ai déjà raconté cette affaire tellement de fois ! 

Mais c'est le jour où jamais. En ce jour des champions de lenteur.

Il était une fois un pays latino à hauts risques à l'époque, régions et sites interdits, attentats, enlèvements, bombes et bombinettes. Sans oublier le risque tellurique intemporel et en plusieurs sens : imprévisible et peu conjoncturel, toujours là depuis des millénaires. C'était en principe ce risque-là, le dernier qui nous préoccupait et méritait un changement structurel et donc pérenne. Mais ça pouvait aussi servir en cas de troubles de toutes sortes qui ne manqueraient pas, vu le contexte lié aux événements de l'époque.

De fait, il s'agissait de construire une grande citerne capable d'abreuver en eau potable la communauté française encore assez importante dans la capitale malgré ces événements, en cas de regroupement nécessaire successivement à des troubles graves.

Nous en avions discuté collectivement et en avions bien sûr informé Paris qui nous laissait prendre sur place la décision la plus adéquate et devait nous fournir, le moment venu, les crédits indispensables à la réalisation de ce plan de sauvetage prévisionnel, 

comme s'il était évident que le manque d'eau allait être le problème majeur, fondamental et unique, eu égard à tous les autres, nourriture, communications, mobilier d'accueil, protection, etc . . . , (mais sans doute à Paris, précisément envisageait-on tout cela . . . et tout ce qu'il aurait aussi fallu rapidement mettre en oeuvre pour compléter, si on voulait être cohérent et complet, ce petit élément du problème que nous allions  soumettre aux autorités compétentes et diffuses en charge de nous faire appliquer etc . . . ), 

comme si les événements imprévisibles et subits allaient forcément nous laisser les moyens et le temps de ce regroupement, il faut bien l'admettre,

comme si les habitants du quartier où nous allions organiser ce regroupement et ce réservoir allaient se contenter de nous regarder boire à notre soif en relatif petit comité 

etc ?. . . quant aux imprévus à peine envisageables . . . (sans doute en haut lieu avait-on continué à méditer, hésiter et envisager tout cela et plus) . . .

sans parler  du choix du lieu, puisque nous avions plusieurs implantations dans la capitale, l'Ambassade, la Résidence de l'ambassadeur, toujours un bâtiment assez immense, les locaux annexes du Consulat, réduits, pas de centre culturel comme dans d'autres pays mais plusieurs implantations de l'Alliance française, avec d'assez vastes surfaces, salles de cours, deux petits théâtres servant aussi de salles de projection ou de réunion, trois salles d'expositions, bureaux, bibliothèques, cours asphaltées où on pouvait organiser des refuges ou des bivouacs, cafeteria, etc . . mais là, quant à nous, nous étions fermes et avions tranché.

L'ambassadeur n'étant pas contraint de recueillir en son domaine ni toute la misère du monde ni tous ses compatriotes, notre choix s'était porté sur le local principal de l'Alliance qui comportait, dans un quartier aéré, de vastes toits plats où on pouvait envisager d'installer déjà une grande citerne à condition de renforcer ce toit dans un local sinon vraiment historique, du moins assez ancien et dont certaines parties étaient en ' adobe', cette boue séchée qui se retrouvait jusque dans les constructions officielles depuis quelques siècles et même, si on tenait compte des premiers occupants, depuis des millénaires. . .

Le dossier détaillé, illustré, garanti par des ingénieurs en hydraulique et ossature de constructions, argumenté en raisonnements clairs, fut établi et envoyé au Département comme prévu.

A ma connaissance et si je suis bien informé, des années après, plusieurs décades, dans un pays où les risques, relativement mineurs, de ' temblores' et, qui peuvent être très graves, de ' terremotos' , n'ont pas disparu (depuis tout le monde se souvient de la catastrophe de la région de Pisco), on en est au même point de suspension des crédits et de non décision en haut lieu.

Comment en être étonné sachant que nous avons souvent, au pays du Minitel, vivant encore sur la réputation indexée mais un peu entamée de Pasteur, Eiffel et Cyrano de Bergerac, persisté à être les derniers à instituer l'usage du fax (le conseiller commercial venait à la délégation en cas d'urgence, n'en disposant pas à l'Ambassade) puis ensuite du téléphone cellulaire (que nos amis canadiens et américains maîtrisaient depuis des mois alors que nous communiquions assez mal, chacun avec avec un énormes talky walky toujours allumé, et qui captaient des entreprises commerciales au passage, en changeant de chaîne souvent désespérément) dans nos missions lointaines où on s'obstinait (sauf cas d'espèce remarquables de décisions prises souvent sans l'accord de Paris vue l'urgence et justifiées heureusement par le cours des événements, et alors là . . . double coup de chapeau) à expédier, en cryptographe et système de télex, des "dépêches" arrivant toujours trop tard après la lecture de la presse commerciale déposée tous les matins dans tous les bureaux de la centrale à Paris.

Les exemples ne manqueraient pas de cette exécrable tradition de lenteur en cas d'urgence, nos réservoirs de haute administration en sont remplis à ras bord, de quoi remplir une grande citerne de pleurs et jérémiades.



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