dimanche 24 janvier 2021

Rencontre de quel type ? (suite). . . .(et fin) . . .

. . . . pieds rompus, presque dix heures de marche depuis, le temps d'arriver, un peu avant sept heures du mat, dans l'herbe mouillée glissante, terrain pentu, quelques averses, il fait froid, qui se croirait en Afrique ? les "rangers" en treillis, de petite taille, hommes de la forêt recrutés, pieds nus, incroyablement cornés, avancent dans la forêt, parfois à la machette, parlent peu, un peu inquiets à mesure, peu à peu deux groupes ont abandonné, rentrés au bercail, découragés, marre de cette marche forcée, il est trop tard, on commence à parler de la nuit qui approche, sous l'équateur ou pas loin, surtout en forêt, avant six heures du soir et c'est et ce sera bientôt nuit noire, et aussi des éléphants de forêt qui sont agressifs à cette heure-là si on approche, et surtout il va falloir rentrer ensuite en courant dans les fondrières en sautant par dessus les racines, en glissant sur l'herbe, en descendant les pentes, à supposer qu'on les atteigne, ils sont allés plus loin encore, plus haut, ils parcourent d'assez grands espaces chaque jour, en quête de plantes, racines, fruits différents, ce sont des raffinés . . . 

. . . plus obstiné, tu meurs, ceux qui sont rentrés avec le denier groupe le regretteront toujours, mais c'était trop de fatigue et un peu de peur qui s'installe, continuons, prêts aux désillusions, à l'échec, ne sommes plus que trois et deux gardiens de la forêt qui abandonneraient bien, au moins l'un d'entre eux, heureusement l'autre moins et croit que peut-être nous ne sommes pas loin, il nous montre enfin deux boules rondes assez grosses, excréments mêlés de tiges de végétaux non digérés et nous intime de faire silence, surtout pas de flash, . . .

                                                       maintenant face à face, le mâle dominant, le dos argenté, pas croyable de carrure et de calme, nous barre la route, assis tranquille et bientôt à demi allongé, nous regarde bien en face, bien au fond de ses yeux marrons un peu ronds et bien enfoncés, nous osons à peine le regarder on nous a dit de baisser les yeux et même la tête, de nous tenir accroupis, de faire peu de gestes et en toute lenteur, c'est incroyable de se sentir si proches de cette bête qui manifestement n'en est pas une et nous surveille flegmatique et sûr de lui, ça se comprend, vus ses bras, ses biceps, ses pectoraux, ses épaules, sa nuque . . . 

et puis il a l'habitude de ces quelques visites bien que nous soyons là dans une période où il y a très peu de visiteurs, ses anges gardiens, sans doute ont-ils commencé par les chasser, peut-être en ont-ils un jour mangé, recrutés maintenant par le parc, l'administration de la réserve, ont mis pratiquement deux ans à se faire accepter, leur silhouette, leur odeur, leur approche sur la pointe des pieds, en le pistant de loin, pas à pas, jour après jour, qui maintenant nous accompagnent, nous introduisent

le plus beau ce sont derrière lui, à quelques mètres, ses femelles qui font leur nid, leur lit, dans les hautes herbes de ce coin qu'ils ont ensemble choisi et ses enfants qui avant d'aller se coucher chahutent et se balancent encore dans les branches basses des arbres, heureux, sans peur, édéniques, 

mais jamais je n'oublierai son regard de gros père tranquille et scrutateur, prêt, s'il le faut à nous voler dans les plumes et à nous mordre les fesses comme c'est arrivé, si nous détalons devant lui

il y a eu ce contact, cette pénétration des yeux,, quand je me suis résolu à le regarder bien droit, un regard d'égal à égal, nettement, et ce n'est pas qu'à ceux qui aiment les bêtes que ça arrive, c'est très fort, c'est une certitude, il me regardait non pas de son animalité en quelque sorte plus basse, mais du haut de sa propre humanité proche, à la fois compréhensif et résolu au pire, c'était très troublant et ça justifiait ce que disent les autochtones qui les connaissent bien : eux qui vivent depuis si longtemps sur ce territoire de tant de pillages, de tant de tant de combats féroces, massacres, guerres coloniales et tribales, aujourd'hui plus que jamais pour la possession de quelques réserves souterraines de métaux et minéraux rares, ils sont plus malins que nous, plus forts, ils ont évité à leur manière de franchir la barrière qui une fois renversée, nous a précipités sur ce terrain où nous sommes, contraints de travailler sans cesse et produire sans fin ce tourbillon de rivalités, de meurtres, esclaves d'un destin  qui va à notre perte et . . . aussi à la leur

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