mercredi 20 janvier 2021

Rencontres perdues.

 Quand Dolly qui était potière l'avait fait entrer chez nous, nous avions déjà ri car il avait aimé notre appartement au pied de l'immeuble, une grande et haute maison familiale caché au fond du Leme, un quartier tranquille de Copacabana sous le Pain de Sucre - nous habiterions encore au pied du Pain de Sucre le haut, cette fois, d'une toute petite maison, mais de l'autre côté, côté Botafogo, plus tard, hasards de nos recherches de résidence à Rio - et ce qui l'avait fait rire c'est que cet appartement était traversé par un ascenseur qui ne s'arrêtait pas chez nous mais qui, silencieux, allumait une petite lumière rouge quand les propriétaires qui habitaient tout en haut, une vraie villa "de toit" avec une sorte de vrai jardin suspendu, l'empruntaient. Nous avions ri ensuite de ce que ce peintre racontait de son oeuvre.

Fernando Duval, à l'époque Fernando D. qui à peine plus âgé que moi, je venais d'avoir trente ans et lui trente-cinq ou trente-six, n'en finissait pas de décrire son monde en gestation. Outre quelques peintures abstraites il avait trouvé une voie qui plus tard devait lui réussir au Brésil et aux Etats Unis : peindre un univers imaginaire complet dont j'ai dit un mot déjà dans Le Fils de Dio publié sur Marsam.graphics. Un univers, en particulier une planète, qu'il présentait à ce moment-là comme un monde où étaient exilés les riches, très riches et les laids, très laids, mais couverts de bijoux, de tenues de brocard brodées d'argent et d'or et occupés à une infinité de jeux étranges, le moindre n'étant pas de promener sur des circuits bizarres, des chiens artificiels.

Inutile de dire que ce graphiste subversif - je ne sais pas s'il l'est resté - évoquait sarcastiquement par ses portraits, ses architectures folles, les objets qu'il créait parfois, un double du monde réel reflétant assez fidèlement les  horribles classes privilégiées dominant alors et encore ce pays de misère. Donc, ce jour là nous avons, nous qui venions à peine de découvrir, fréquentant les galeries, ces héritiers ou parvenus dominant évidemment le marché de l'art, n'avons cessé de rire.

Quand je lui envoie un message, il ne me répond pas. Sans doute ne se souvient-il pas d'un admirateur qui en ces temps lointains n'était qu'un étranger de passage parmi tant d'autres, dans cette ex-capitale qui a vu défiler tant d'habitants de la terre.

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