mardi 19 janvier 2021

Dérive.

 La dérive de certains mots fait peur. Certes, il faut bien que la langue évolue. Vouloir la figer et la barricader telle qu'elle nous est parvenue dans son histoire hasardeuse serait aussi ridicule que de vouloir l'empêcher de respirer et comment s'intéresser encore aux lents, inutiles, impotents travaux de l'Académie ? 

Peut-on s'empêcher cependant de voir cet emportement dans le courant de pauvres vocables détachés du contexte et de l'usage pour être livrés au tourbillon boueux, passager, à la répétition sans raison du dernier tic, comme un symptôme du vide qui envahit pensée en même temps que langage ? 

Ainsi le verbe échanger, transitif direct, se construit chaque jour de plus en plus hors connexion, on échange sans plus et on ne sait plus du tout ce qu'on échange, sa chemise, son spleen, son ennui, son creux à l'estomac, pardon je voulais dire son souci . . . 

Ainsi, bien que se met à appeler le présent de l'indicatif, j'indique ainsi clairement que je ne comprends plus rien à ce que je dis et je raie de la liste la possibilité d'émettre une simple hypothèse, transformant tout en présent vécu comme inéluctable.

Ainsi depuis longtemps déjà quelque part, l'expression lacanienne, ne sait plus où elle habite, pas dans l'inconscient du corps ou de son histoire en tout cas, ailleurs et partout, puisqu'elle loge dans n'importe quoi.

Ainsi l'homme contemporain, la femme aussi, est parti quelque part, on ne sait d'ailleurs où, un beau jour et peut-être aussi bien au quotidien,  échanger bien qu'il n'a plus rien à communiquer.

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