mercredi 13 janvier 2021

Idiosyncrasie

 Ce mot que j'aime bien n'est pas très utilisé en français comme il l'est dans d'autres langues. Il renvoie pourtant aux données personnelles qui nous définissent comme individu, par nos gestes, notre sensibilité, donc notre façon de percevoir mais aussi de raisonner, d'être plus ou moins immunisé ou exposé à une influence extérieure physique ou mentale; surtout il renvoie à l'attitude qui nous définit comme reconnaissables et uniques tous autant que nous sommes, êtres vivants ou systèmes les soutenant ou créés par eux, métabolisme, biologie, langues, expressions et même réflexes et coutumes. 

Ainsi un ancien ministre, membre d'un comité soutenant l'action de la France, racontait que le paysan des Andes pouvait se reconnaître au fait que rien ne lui interdisait de marcher dans la neige pieds nus mais que comme tout Péruvien il craignait les courants d'air. Je ne sais où il avait lu ou constaté ça mais je dois dire que malgré mon idiosyncrasie si différente de celle des habitants de mon pays d'accueil, je ne fumais que du tabac brun, je préférais au foot le rugby, en arrivant il m'arrivait d'intercaler quelques mots brésiliens dans mon castillan, à la suite de cette remarque - visait-elle cet effet ? - je me suis pour cette raison et pour d'autres (mes interlocuteurs pouvaient s'étonner que j'aime autant qu'eux les très diverses préparation du riz ou celles des multiples préparations de farine de maïs) senti assez vite très proche de ce peuple qui comme moi craint les courants d'air, surtout en climat tempéré mais humide et prend plaisir à marcher pieds nus pour sentir le chaud ou le froid remonter dans mon corps et le réveiller à des sensations primitives, comme quand, de tout le corps, on nage.

C'est peut-être au niveau des expressions, geste et langage, que les différences d'un individu et d'un peuple à l'autre sont les plus embarrassantes et source de malentendus.

Même pour compter sur ses doigts peu de peuples commencent par le pouce et continuent par l'index comme nous le faisons. La première fois que j'ai vu l'inverse, ce devait être au Brésil, dans la rue, quelqu'un m'expliquant je ne sais quoi en énumérant ses arguments en commençant par saisir de son autre main, entre pouce et index, le petit doigt puis l'annulaire de sa main droite et finissant au cinquième point par saisir son pouce.

D'une espèce à l'autre il faut apprendre le langage muet de nos animaux domestiques qui n'a pas grand chose à voir avec le nôtre, sauf peut-être le regard des chiens dont nous avons, semble-t-il réussi à trafiquer et à rendre mimétique les expressions des yeux.

Mais ne nous y trompons pas, d'un individu humain à l'autre la communication ne se fait que par miracle et presque toujours en méconnaissance, malentendu, méprise et interprétation hasardeuse et forcée. Sauf dans certains cas exceptionnels et alors il suffit d'un grognement, d'un léger détournement de tête ou d'un silence, d'un mot codé ou même inventé sur l'heure.

C'est peut-être pourquoi on peut prendre tellement de plaisir à comprendre et se faire comprendre d'un étranger et encore plus d'un animal. J'ai gardé longtemps la plume d'un perroquet d'Amazonie que nous avions en liberté et qui ne répondait guère qu'à mes appels.

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