Comment a pu réapparaître ce bout de papier avec photo d'une oeuvre monumentale que je n'ai jamais vue ?
C'est simple : enfoui dans un paquet d'images qui n'avaient rien à voir. Et si je ne me souviens pas d'avoir vu cette sculpture étonnante c'est qu'elle ne fait que figurer comme illustration sur le billet d'entrée d'un site archéologique que j'ai eu l'occasion de visiter. Je garde ces documents, je viens d'en parler, comme marque-pages de mes lectures. Et elle ne figure sur ce billet d'entrée, mis de côté parmi d'autres, que comme image iconique générale des sites, de tous les sites mexicains dépendant du conservatoire archéologique national. Voilà pour l'occurrence.
Revenons à l'essentiel : qui est de savoir qui est vraiment celle que je n'ai jamais vue, cette Coatilicue, déesse ici présentée et photographiée dans toute sa majesté de pierre monolithique, un seul bloc de douze tonnes, deux mètres cinquante de hauteur, aussi profonde que large et décapitée, me dit-on après un brève recherche.
Surprise et sacré morceau.
Cette statue effrayante, bardée de mains coupées, de crânes, de serpents, de cœurs arrachés, de griffes, a une histoire post-colombienne bien documentée et aussi, bien sûr pré-colombienne, mal documentée sinon par sa place dans la mythologie aztèque. Cette déesse mère archaïque, mère du soleil, mère d'une fille dont la tête coupée devint lune, découverte en aplanissant la place centrale de Mexico, outre sa vie tumultueuse et tragique de mère immaculée mais calomniée de 400 enfants (!) qui voulurent la tuer et que finalement elle tua, a cette particularité, peut-être en tant que maîtresse de la terre, de la mort et de la renaissance, d'avoir été enterrée et déterrée plusieurs fois. Mais ce n'est pas tout.
Découverte en 1790 par un astronome (elle est depuis devenue aussi, pour certains astrophysiciens, le nom d'une supposée étoile géante explosée et devenue mère du soleil et de notre monde), à la place de ce qui deviendra la cathédrale de Mexico, elle fut, par crainte de sa laideur et de sa puissance, aussitôt réenterrée. Effrayante elle l'est cette archi-grand mère mythique, tellurique, énorme, surdimensionnée, mais surtout, aussitôt déterrée elle avait le pouvoir d'attirer à nouveau les descendants de ses petits enfants, finalement peu convaincus de christianisme plus de 300 ans après leur évangélisation.
Le 5 septembre 1803 elle fut redéterrée pour le bon plaisir de Humboldt, alors de passage, qui la qualifia d'idole colossale, puis aussitôt réenterrée.
En 1823 on la re-redéterre pour en faire un moulage envoyé à Londres. puis on la réenterre encore, apparemment toujours pour les mêmes raisons.
Enfin, depuis 1964 elle a trouvé place au musée anthropologique de Mexico.
Bien digne, en tant qu'intruse, de faire une vingt-troisième lame féminine, mère porteuse de tous les engendrements, pour nous, minuscules et multiples dieux destructeurs de la terre qui avons mission de la régénérer après le passage de nos utopies (arcane 21) puis de nos sinistres folies (arcane 22).
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