mardi 4 février 2025

Trois mondes.

D'aucuns pensent qu'il y en a deux.

Le monde réel et le monde virtuel.

Cette distinction est effectivement fondamentale. Nous avons pour mieux le comprendre et l'analyser, pour éventuellement le reconstruire, créé un monde-miroir, un monde en écho, en maquettes, en reproductions, copies et schémas, une doublure approximative qui selon certains procédés de représentation que nous qualifions de savoir, de science ou de technique, nous permet par une algèbre symbolique fragmentaire mais efficace de le faire entrer dans nos calculs et nos machines. Et nous sommes fiers de cette supériorité. Le monde réel ne nous appartient pas mais avec ce monde miroir que nous avons créé, nous intervenons sur lui, nous le manipulons.

A partir de cette victoire reposant sur cette copie clarifiée de l'inépuisable, de l'infinie complexité du monde réel, une conquête rationnelle de l'humanité théoriquement ouverte sinon réellement accessible à chacun d'entre nous, nous avons pu progresser collectivement, montant les marches de l'écriture, de la géométrie,  de la techno-science. Les développements de ce monde-copie, propagés par la Toile, l'informatique, le Web, les infinis possibilités et progrès de la communication, ont rendu tout récemment  - en apparence - le monde moins opaque, presque transparent.

Ainsi pour prendre un point de cette trajectoire de développement historique, Galilée s'attaquant aux illusions et superstitions de la chute des corps ( qui va tomber le plus vite de la bale de paille ou de plume ou de plomb ?) passe du lancer folklorique de projectiles du haut de la Tour penchée de Pise au plan incliné où roulent des billes dont le poids et la vitesse sont enfin exactement mesurables.

N'y aurait-il pas, "à côté", "sous", "derrière", ces deux mondes un troisième monde ?

Mais voilà l'existence du troisième n'est en rien consigné dans les documents sérieux ni accessible aux enquêtes approfondies, pourtant, à mesure que se déroule et avance notre vie, tapis roulant inexorable, nous le rencontrons inévitablement caché sous le premier. Parfois aussi, redoublé et lié au deuxième.

Que ce soit clair, décidément, pour aujourd'hui, je ne vous ferai aborder, avec ce troisième monde, ni à un continent supposé ésotérique ni aux rivages escarpés du mysticisme. Le monde dont je parle est bien plus terre à terre. Je ne veux parler que de ce monde fait de malignité, de malveillance, de perfidie, qui se tient manifestement sous le premier monde, le plus réel et apparent, celui de nos découvertes et rencontres, tissage maille à maille de notre vie quotidienne, et qui éventuellement se redouble sous forme de tromperie, de machination fallacieuse, de leurre abusif, dans le monde virtuel.

Ainsi, ce monde premier, redoublé dans sa copie virtuelle qui ne fait qu'en retenir les traits les plus saillants et populaires, est-il troué de faux semblants, de détournements, de pièges et de manipulations 

mardi 28 janvier 2025

Agresseurs/agressés.

Les psychologues insistent sur ce qu'ils appellent la "transmission générationnelle" et dans la psychanalyse du comportement violent sur le "renversement des rôles post-traumatique". Et certes il y a là quelque chose de bien curieux et mystérieux dans cette transmission d'une génération à l'autre de certains gestes et comportements délictueux de domination, de violence, de rabaissement, de cruauté, d'agressions et de viols, de sévices et meurtres, parfois inversés et parfois relayés semble-t-il au travers  de messages in- ou partiellement conscients. 

Ainsi le supplicié pourrait, selon certaines modalités de répétition quasi "automatiques" ? devenir bourreau.

Je m'étonne cependant, bien qu'effectivement encore plus hasardeuse, que ne soit pas évoquée en histoire des peuples, l'hypothèse d'une transmission et retournement des impulsions à dominations collectives brutales,  

tels que répressions violentes, réductions en esclavage, exploitation sans contrepartie, création de liens de dépendance inextricables, privation de liberté, enfermement, tortures ou exterminations.

Bien sûr quand il s'agit de pure vengeance, revanche d'un peuple humilié, retournement de situation, personne n'a besoin d'explication ou de recherche de racines inconscientes à ces conflits. Les longues guerres entre voisins européens suffiraient à illustrer le thème à propos de petits ou grands royaumes ou de plus récentes grandes et puissantes nations voisines.

Mais qu'en est-il quand il s'agit de peuples massacrés, qui pour trouver une place, un territoire sécurisé, un espace de développement, reportent les conflits qu'ils ont vécu sur d'autres peuples étrangers à l'extermination qu'ils ont subie ailleurs ? 

En un sens au travers de groupes eux-mêmes défavorisés, opprimés ou à plus forte raison  traumatisés à la suite de génocides, ou au travers de leurs descendants . . . cet horrible mouvement de transmission et de retournement n'est-il pas l'un des mécanismes volontaires ou à demi conscients, "moteur pathologique" de toute colonisation ?

jeudi 23 janvier 2025

Chou.

Une amie allemande me disait quand je la faisais rire gentiment, en tout bien tout honneur : "Tu es chou."

C'était sa façon à elle, après avoir étudié en Sorbonne dans sa jeunesse, de montrer qu'elle possédait les subtilités de la langue française.

Mon arrière grand-père maternel qui était peut-être, d'après son nom, de souche aveyronnaise, et incontestablement d'après le souvenir qu'il avait laissé, tels qu'on décrit cette engeance dans la transmission des stéréotypes, tenace et toujours partant quand se présentait l'occasion, lui, n'était pas chou. Je vous ai peut-être déjà raconté comment à soixante-dix ans passés il avait voulu aider des jeunes qui avaient versé leur charrette dans le fossé, en la soulevant seul du côté où elle était tombée et comment ces jeunes s'étaient, compatissants et rieurs, à son grand dam, car ce fut pour lui un grand coup, récriés . . . lui demandant d'arrêter ses efforts.

Si j'ai été bien informé par le récit de la saga familiale, ça se comprend. 

Dans sa jeunesse, cet arrière grand-père avait été, vous le savez "scieur de long", je l'ai toujours clamé assez fort jusque dans les salons des appartements de l'avenue Foch quand il m'arrivait d'y faire un tour. Ce que je ne vous ai pas dit encore, c'est qu'il était capable de faire ce métier à la japonaise (si l'on en croit la fameuse gravure d'Hokusai), c'est à dire comme "chèvre" non pas sans chou, mais sans renard.

Encore faut-il savoir que la chèvre ou le chevrier, selon le contexte était le scieur placé au-dessus du tronc d'arbre équarri à la hache celui qui si possible, sans se casser le dos, par sa force, tirait sur le haut de la scie

quant au renard, il était en bas, tirant sur la niargue, dite par amusement de bûcheron "belle-mère".

Autant dire qu'après des jours et des jours de ce body-building, mon arrière grand père n'était ni "chou" ni mou.

mercredi 22 janvier 2025

Soleil à l'envers.

 Moi, spécialiste du "messager solaire", je vous dis pas . . . 

. . . . quand j'ai soutenu ma thèse publiquement, dans la presse locale, pour l'annoncer, il y eut une coquille : "messager scolaire" . . . c'était ce qu'ils avaient trouvé le moyen d'écrire sur le journal, et comme elle portait essentiellement sur Camus, à l'époque où on lui reprochait d'être un philosophe pour classe terminale, je vous dis pas, la déception pour moi de figurer comme vedette, pour le coup bien scolaire, sous ce panonceau; mais vous en faites pas, ce fut plutôt la grande rigolade avec quelques copains et même avec ma fiancée du moment (toujours la même d'ailleurs et nous en rigolons encore parfois), mais surtout pour le seul "spectateur" qui était venu à la soutenance, lui vraiment très déçu (comme il me l'avoua) de voir que le sujet n'était pas du tout conforme à sa propre détestation et au rabaissement du prix Nobel qu'il espérait.

Quand un peu plus tard j'ai raconté ça à Barthes qui avait été le principal inspirateur de mon travail il était plié. Pourtant ce n'était qu'un début.

Par la suite un bureaucrate tout puissant, participant aux nominations me déclara sur le mode de la plaisanterie qui rend compte d'un fait réel, que si j'avais obtenu un poste au Pérou (il y avait toujours pour chaque poste un nombre impressionnant de postulants et le choix ne pouvait se faire en dernier ressort qu'un peu au petit bonheur) c'était grâce à cet intitulé où figurait le mot solaire pouvant renvoyer (pour des esprits sérieusement gestionnaires et néanmoins farceurs) au culte effectivement éminemment solaire des anciennes populations de ce pays dont la capitale est toute l'année . . . ou presque dans la brume et l'humidité pénétrante. Honnêtement, je n'avais pas à me plaindre, j'avais eu auparavant ma dose de solarisation tropicale dans mes affectations de part et d'autre de l'Atlantique.

Donc aujourd'hui plus que jamais, chaque jour, je ne m'en fous pas de Monseigneur l'astre solaire. je l'observe sans arrêt et le vénère toujours. Habitué à ses facéties, quand il se lève à peine à ma fenêtre je le vois resplendir en reflet sur la colline d'en face, rebondissant en miroir sur d'immenses verrières. Parfois même on voit d'abord son reflet avant même qu'il se soit extirpé des toitures et des cheminées.

Cependant la fois où nous l'avons vu le plus à l'envers ce fut ce jour où pour la septième fois et pour lui dire adieu, juste avant de quitter le Pérou, nous avons visité le Machu Picchu désert après un attentat ayant tué un notable bienfaiteur du pays et endommagé gravement le train qui accède au pied du site . . . et où, loin de nous prendre pour des tintinophiles aimantés par le si commenté et vénéré album du Temple du Soleil (voir la tartine écrite sur Wiki), nous avons pu voir sans guide ni gardien l'astre roi entré par une lucarne de son temple, ressortir par une autre en face et illuminer le visage de Miss Pérou, auréolé de parures en miroir, venue avec une équipe de cinéastes relancer la publicité touristique du haut lieu endeuillé.


lundi 20 janvier 2025

Boltanski (le retour).

Je ne sais pourquoi, depuis quelques jours j'en reviens à, je tourne autour de . . .  Boltanski, Christian, mort en 21, le 14 juillet, vous en ai-je parlé ? Peut-être pas tellement à cause de son oeuvre multiforme, marquante, "minimaliste" dit-il - moi je dirais plutôt "maximaliste" - ou à cause de cette expo de Beaubourg à cheval entre 2019 et 2020, qu'à cause du souvenir de son père "caché dans un espace sous le parquet de son appartement" selon l'expression admise et consacrée, pour survivre pendant la grande déportation, et donc :

vieilles boîtes en fer multipliées, vieux vêtements en tas, noir et blanc des photos pâlies, contrastées, collections infinies, bruit assourdissant du Grand Palais, grue, travail de mémoire, de lutte contre la mort, de mythologie, de mouvements du cœur, dérision de la vie en masse, survivre par enfermement des infinis moments détruits, mausolée, monument, dispersion des instants et des mots

dimanche 19 janvier 2025

Refaire des listes et ça repart.

 En projet :

Plonger dans le sac. Une histoire vraie de gens qui aimaient tellement l'eau qu'ils ont plongé dans la mer depuis des rochers proches de leur maison (privilège d'avoir une maison très proche de l'eau au point d'entendre le bruit des vagues) sur le coup de deux ou trois heures du matin, au mois d'août. Et la suite  . . . à venir.

Soleil à l'envers. une affaire presque incompréhensible.

Vieillir et le retour. On se fait des idées totalement fausses sur les vieux et ce que c'est que vieillir.

Scieurs de long : la chèvre et le renard. J'en ai peut-être déjà dit un mot. J'y tiens spécialement. Alors j'y reviens.

Menuisiers. Je sens déjà l'odeur du bois.

Maquettes (Fascination des ).

Apiculteur ambulant du Cap creux (L'). Une histoire du quotidien incroyable.

Dimanches que je ne hais pas.

Supplique (aux inventeurs en puissance, les hyperdouées d'Internet qui me font la grâce de m'accepter comme ami, moi si nul, pour qu'ils inventent enfin, un autre lieu de rencontre plus malin, plus choisi, plus snob que diable ! que ce satané et aujourd'hui de plus en plus idiot et mal famé, que dis-je, désespérant de stupidité, de FB.

vendredi 10 janvier 2025

Sous-marin jaune (mon).

Non, ce n'est pas une histoire harrypotterisée ni beatlemaniaquisée et d'ailleurs elle n'atteindra jamais un succès mondial, bien qu'il s'agisse d'un truc absolument magique. La magie est ici totalement terre à terre et même non pas sous marine mais en quelque sorte enterrée (dans ma cave) , pratique, banale et pas tellement pour les gosses ou les affolés de fantasy ou merveilleux infantile ou enfantin (voyez je ne cherche ni à récolter ni à ratisser large [[ double crochet :  mes opinions et mes partis-pris tranchées m'ont déjà valu des déboires et insuccès que j'assume]]). 

C'est même tout à fait le contraire, rien ne me fait renoncer à l'hyper-peu-populaire : l'HPP bien connu des rebelles forcenés.

Voilà c'est une histoire vraie et très très, trop triviale.

Je l'ai déjà dit : mon père n'était guère bricoleur mais mon beau-père qui avait fait pas mal de métiers, si. 

C'est lui qui m'a appris à ouvrir les huitres que maintenant j'écaille à main nue, sans journal protecteur et sans gant avec n'importe quel petit couteau joujou, le tout c'est de savoir les surprendre du bon côté au point d'attaque si petit mais béant, avant qu'elles résistent avec leur réflexe de muscle adducteur puissant, avant de déraper sur la coquille et de s'ouvrir les doigts.

Donc, il m'a laissé en héritage diverses choses, mon beaup, dont ce meuble jaune à tiroirs - cinq tiroirs - que j'appelle magique. Chacun d'eux contient à l'intérieur de petites ou grandes cases en bois bien compartimentées, toutes sortes de rebuts, roulettes variées, bouts de ficelles déjà nouées, capsules de bière, boîtes d'allumette, de fils de fer rouillés et entortillés, d'écrous, de becs, de pèces d'assemblages bizarres, de clés devenues inutiles, de chevilles déjà utilisées, de morceaux de plastiques travaillés en agglomérats emboîtés, de fragments de mécanismes oubliés, de bouts de couvercles cassés avec ou sans poignées, d'élastiques, de raccords de bouteilles de gaz, de petits morceaux de ferraille inidentifiables, de mini ancres, crochets ou pointes de piolets, de . . . disons aussi, en particulier de vis ou de clous aux dimensions rares sinon introuvables et de . . . disons toutes sortes de petits assortiments déclassés d'objets compliqués et appareils aujourd'hui disparus dans les poubelles du pauvre bricoleur désespéré de devoir jeter ce qu'il n'a pu réparer, mais heureux de garder au moins ça.

Et avec ça, transporté tel quel dans ma cave, meuble de guingois, indémontable tellement il a déjà souffert de vies antérieures et de différents transports précédents non assurés ou sécurisés, tout ça assez lourd puisque chargé d'une quantité difficilement imaginable de bricoles minuscules et le plus souvent métalliques, il est rare que je ne puisse pas réparer n'importe quoi d'un peu abimé et détraqué par un geste maladroit, par écrou perdu ou par usage trop long d'un organe ou d'une manette de fonctionnement devenu défectueux remplaçable par un autre souvent moche ou inattendu mais parfaitement efficient. Ma foi quand on n'est pas ingénieur fabriquant faut bien se débrouiller.



Divad.

Parfois, comme hier, mais c'est assez rare, j'ai la très fâcheuse impression que tout mon être se met et va à l'envers, 

de travers, à reculons, à rebrousse poil, dans le mauvais sens, se cabre, régresse, freine, stoppe net, refuse d'avaler la nouvelle route, se cale, renâcle, avale de travers, n'éprouve plus cette formidable envie foncière, déterminante, irrésistible d'habitude, envie d'avancer. Cette curiosité, cette fièvre de recherche et de découverte s'est transformée en impression de déjà vu, de lassitude, d'inutilité corporelle, mentale, à quoi bon ? Mon corps n'est plus que refus, stagnation. Immersion dans un monde figé. Néant. Un corps ligoté, ficelé de filoche, retournant à ces légères crampes, paralysies provisoires, agitations internes inutiles, dépression des muscles et tendons. Tout cela purement intérieur, faux mais infranchissable, enfermement dans la négation de vivre faite de petites douleurs envahissantes et paralysantes, plus que ça, poussant en arrière, sécrétant l'hormone du refus.

Si j'ai été bien long à décrire c'est que je n'y arrive pas. A décrire ce besoin de repos, de sommeil qui mis au pied du mur se heurte à l'impossibilité. D'habitude je m'endors et me réveille avec assez de facilité, presque à volonté. Là plus rien ne fonctionne hors cette sensation d'absurde et insinuante généralisation d'inutilité de tout, même du sommeil. Même plus être sûr qu'au matin il n'en paraîtra plus rien si matin il y a avec réveil aux aurores et quelques heures à peine de paix . 

Si je veux être en mesure d'expliquer ça, une fois passé ce moment, je peux m'en référer à l'intoxication que je viens de provoquer moi-même en prenant ces remèdes anti-douleurs et en arrêtant ça. Retour du quotidien moins planant en définitive que cette menace de la pointe dure, violente, de douleur dans le dos, la hanche et la cuisse, matée par antalgique simple ou cortisone et opium dormitif. Retour à ces petits obstacles de mon corps vieillissant qui bouge encore mais au prix de petites victoires et obligations quotidiennes que je m'impose et qui me font encore rêver que je suis en état, sans drogue aucune, sans ordonnance, que je peux lancer des projets et songer à de nouveaux parcours.

Et ce matin, victoire, c'est reparti. Appétit d'ogre. Penser à remercier tout le monde : mes ancêtres qui m'ont légué ces fibres fortes, organes résistants, tripes absorbantes, cœur de bœuf ou de colibri, concentré de pompe, cervelle agitée, esprits vagabonds et yeux voraces. mes dieux tutélaires Mercure et Aphrodite, et aussi Neptune des eaux et rêves intuitifs, à tous les dieux de la Grèce et des profondeurs oublieuses et plus encore, Eshu et Ekeko, dieux des Afriques et des Andes, dieux de la terre argileuse dont je suis construit, rouge Taronus, dieu des Volques tectosages, merci aux guérisseurs du Ndeup lébou et Mères de Saint du Brésil, aux maîtres des vignes amazoniennes, chanteurs de mélopées et guides des enfers.

Que la paix règne sur tous ces corps souffrants, ces esprits dérangés, orientés à tort et à travers, douloureux et agissants, égarés, que je vois chaque jour hurler autour de moi.


dimanche 5 janvier 2025

Impuissance.

 Tout cela va être à reprendre sérieusement avec des exemples et illustration, mais bon sang de bois, ne serait-ce pas le moment de mettre en place, après toutes ces années d'échecs et de désillusions, non pas une théorie mais une feuille de route du développement. Le Tiers mondisme est tombé en papillote mais justement, nous en avons l'expérience et nous savons pourquoi. La France notre beau pays, chargée maintenant des chaînes retournées de son colonialisme dans les contrées qu'elle n'a pas renvoyées à leur indépendance, est acculée à la tâche de trouver des solutions et pas des solutions dérisoires, honteuses, revanchardes, expéditives ou expiatoires, ou néo-coloniales et régressives. Son passé, son histoire, sa puissance en partie conservée, devraient la conduire à mettre en place des solutions exemplaires . . . . Quand je dis ces évidences c'est juste pour mesurer la distance entre son discours officiel et continu, comme un grand classique vidé de sa tripe) et ma foi, il n'y a pas si longtemps encore grandiloquent, lors du Bicentenaire, (je ne parle pas des ancêtres du tiers-mondisme, là il faudrait remonter plus loin !) et ce point de déconfiture infâme et dénuée de sens où nous en sommes venus.

Eléphants et cachalots.

Quelle étrange fascination éprouvons-nous, chaque jour qui s'avance, de plus en plus intensément, en ce monde voué à nos dévastations de vie, pour ces grosses bêtes, parfois mises dans des zoos, tels orques, éléphants ou . . .  libres baleines à têtes rondes, pointues ou carrées, elles trop grosses pour nos bassins ! Comme si leur énorme cerveau, leur capacité à parcourir des distances, leur poids de chair, leur majestueuse lenteur hors ces actes précipités dont ils sont aussi capables, signifiaient qu'existent des magasins et recueils de sagesse que nous avons, pour notre large part manifestement éventrés et vidés. J'avoue que je succombe à cette attirance des poids lourds du globe et que j'ai le regret tardif de n'avoir pas nagé avec des baleines, des belugas ou d'énormes cachalots, n'ayant réus à voir que de loin des éléphants, mais pas d'aussi prêt que j'ai pu voir les gorilles du Kivu. .

Ce penchant ne m'empêchant nullement, à l'autre bout des gabarits, de vouer un culte aux plus légers, aux oiseaux, spécialement aux petits oiseaux, passereaux franchissant des distances invraisemblables qui avec leur cerveau minuscule, conchient nos plates-bandes, nos terrasses, jusqu'à nos tables, et impunément volent parfois nos objets brillants et se moquent à gorge déployée de nous, de tous ces matériaux, machines, moteurs, tours, gratte-ciels, ordres et règlements dont nous encombrons la planète.

Aide.

D'autres en ont fait le constat, si vous avez besoin d'aide n'allez pas demander aux richement pourvus figurant parmi vos amis, si vous avez cru bon de vous entourer, parmi la grande variété de cette assemblée évidemment nombreuse si vous êtes communiquant, n'en doutons pas, de quelques échantillons de puissants, surtout si vous ne rentrez pas dans les normes statistiques des démunis auxquels s'adresse habituellement leur charité bien gérée, supposant modicité et restriction de ses dons de même que règle de quant à soi du mode de vie, vous n'obtiendrez d'eux que de bonnes paroles dans le meilleur des cas, puisqu'ils ont déjà eu par ailleurs la bonté de vous considérer comme égaux en quelque manière, demandez à ceux qui bien que plus pauvres que vous risquent d'être prêts à vous aider par réflexe de fraternité entre gens de commune misère.

Effrayés par un incendie proche, des voisins inconnus qui avaient la chance d'être plus lointains et hors d'atteinte des flammes et fumées nous proposaient immédiatement de nous héberger à Rio dans leur petit appartement du quartier très petit, vraiment petit, bourgeois du quartier de Urca. Nous n'avons pas usé de leur hospitalité ayant déjà eu une proposition de relogement chez des amis habitant loin de là, un autre quartier, mais nous sommes restés en rapport et aujourd'hui encore, quand je pense à eux, je revois d'abord la conviction de leurs visages compatissants et accueillants


samedi 4 janvier 2025

Pirogues.

Plutôt que de vous parler de ce qui était envisagé aujourd'hui, un peu abstrait, à peine arraché à l'obscurité ou totalement intime, enfoui dans les circonvolutions à images, souvenirs et irruptions de pensées naissantes, de filières de sentiments, de prédilections et de répulsions, ce seront les pirogues qui formeront le thème qui me convient nettement mieux par ce temps gris et froid de souvenirs secs, 

les pirogues et le mouvement d'eau qui se forment quand elles avancent, fendant le courant, pirogues qui soulèvent l'image, l'impression, plus elles vont vite, qu'elles pourraient à chaque instant, 

pirogues maritimes ou fluviales, lacustres, franchissant les vagues ou remontant le fil d'un fleuve immense comme la mer, chavirer.

Parmi les premières, ces pirogues sénégalaises aux très vives couleurs, la rouge et la bleue, chaque jeune chef batelier s'époumone et appelle pour que soit choisie sa barque, ornées de motifs anguleux, peints et sculptés en blanc et noir qui en font des serpents, des bêtes, des dauphins, des crocodiles, des flèches, des ponts, des pontons et passerelles mobiles, nous conduisaient en fin de semaine vers ces îles proches de Dakar où nous pouvions nager dans des bancs de poissons immenses, perdus dans cette ondulation en filets, en grappes, en cascades sous-marines, intégrés à ces mouvements confondus aux éléments où chaque poisson, facette à revers sombre brille tour à tour en passant dans le rayon qui traverse le flot entre deux rochers, sur le sable blanc ou gris;

mais aussi celles des pêcheurs de Saint Louis pour apercevoir la ville ancienne, de loin, de la mer, si belle à l'horizon de l'histoire si cruellement présente là , perdue, maisons à étages vénérables des signares et des chevaliers vainqueurs esclavagistes, des fortunes amassées aux carrefour des eaux,

ou celles sillonnant l'Amazone large comme la mer, fièvre du caoutchouc bien largement retombée, ruines de riches parvenus,

emportant vers la forêt immense, chargée de bêtes, de cris, d'insectes, où maintenant ont circulé, armée de libération appui des gangs, toutes sortes de matières, de malédictions, de misères, de messagers de mort,

un vent chaud passe sur nos visages, rien du monde n'a changé, 

drame et redrame, le lac Kivu immense, étale beauté, grandeur, tremblements de terre et d'hommes, massacres ajoutés aux massacres. 



vendredi 3 janvier 2025

Report du rapport incestueux.

Fondée en confrontation avec les observations de Françoise Dolto, j'ai une expérience à rapporter. Mais comment rapporter honnêtement ce souvenir aussi vif à la fois et aussi lointain et partiellement, inévitablement, fantasmé ?

Partons de Philippe Sollers qui raconte avoir été dépucelé par la bonne espagnole de sa famille bourgeoise. Transfert évident sur l'entourage ancillaire, cet "entourage" lui-même y prenant un plaisir transgressif, de libido en direction de la mère, la tante, la jolie parente fut-elle cousine. Comme il serait possible de partir du débordant Vargas Llosa assumant tous ces rôles en chair et en écriture et amoureux dans la vie de sa tante par alliance, expérience qui inspire la Tia Julia y el Escribidor, au passage, à mon sens son meilleur roman, puis de sa cousine.

Je me souviens avoir vécu, fortement transgressive quant à l'éducation, en une scène doublée donc de transgression exhibitionniste, le déculottages que m'infligea ma grand-mère pour me laver dans l'eau du bassin extérieur à la maison, après que j'y ai bruyamment chahuté, à l'âge de six ans et quelques mois, dans un monde d'après guerre sans salle de bains et sans piscines, en plein soleil alors que la voisine, une chanteuse de cabaret, nous regardait du haut de son balcon et que du coup, nudité, eau, soleil, été, j'éprouvais sûrement pas la première mais une mémorable bien que naine érection, aussitôt réprimée mais pas annihilée par l'air revêche de ma mère qui se trouvait non loin de là et le cri de mon père qui n'avait rien vu mais rabrouait les cris provoqués par l'excitation de son rejeton un peu trop expansif.

Coopération et développement ? (qu'est-ce que la et le).

Enorme et écrasante question.

Cependant, toujours et encore je m'interroge et -gerai sur la nature profonde et concrète sur les tenants, aboutissants et conséquences tantôt oui ou non prévisibles de la grande machine à coopérer lancée par notre pays ancien colonisateur dans l'étape d'après. 

Car enfin quoi ? Qu'avons-nous réellement inscrit, fait et mis en place après les indépendances ?

Rattaché au Ministère des affaires étrangères, le Ministère de la Coopération, sous-section plus ou moins indépendante de ou inféodée à la vaste entreprise de nos relations avec les pays étrangers, a mené avec les nouveaux Etats faisant partie de l'ex empire une politique très officielle d' "aide au développement" après des décennies, des siècles parfois, d'exploitation coloniale. Cette exploitation coloniale visant à enrichir notre économie métropolitaine, ayant parfois, nous en sommes d'accord, eu, au prix de guerres de conquêtes, massacres, dépossessions, réduction en esclavage, pillages, humiliations et soumission, l' "avantage" , en désorganisant ou détruisant les structures traditionnelles en place et en utilisant leurs résidus soumis, de créer un nouvel ordre immédiatement compatible avec le mode d'exploitation capitaliste de nos sociétés occidentales : un ordre où les membres d'une collectivité autochtone défaite n'avaient plus comme ressource que d'accepter d'être enrôlés dans les grands travaux entrepris par les colons et l'Etat colonial ou de disparaître.

Comme passage obligé de cette mise en coupe produisant des matériaux, des matières premières agricoles ou industrielles, tous en faveur de l'approvisionnement et du développement de l'Occident, du caoutchouc à l'arachide en passant par l'or ou le bois (le pétrole ne viendra que plus tard), bien sûr il fallut construire des routes et des villes, au mieux des hôpitaux et quelques écoles élémentaires ou réservées aux fils de chef. C'est sur ces structures déjà en place qu'allait s'appuyer la coopération et laide au développement.

De là, malgré le fracas des révoltes, des guerres d'indépendance, des prises de possession des leviers, une continuité remarquable des modes de vie, des structures, des dominations, des modèles, des orientations. La description économique de ce processus trompeur a déjà été révélée et assimilée par tout un chacun.

En revanche, ce qui m'intéresse c'est le détail concret de cette transition.

jeudi 2 janvier 2025

Enfermement.

 Dans notre vie réglée, dans nos débordements, dans nos doutes ou nos certitudes et nos arguments.

Perso, il me semble que quand je ne m'enferme pas dans le bleu du Grand Bleu, corporellement ou visuellement, je m'enferme volontiers dans le vert. Le vert de la forêt, des arbres, des buissons, des cimes, des frondaisons, des bosquets et des haies, oiseau craintif je n'aime pas trop les champs nus, les places publiques immenses, les plaines incultes.

Ou alors j'aime la plaine totale, la plaine marine ou celle du désert.

Incroyables souvenirs de ces orées du Sahara au Sud Maroc ou Tunisie. de ce cimetière minuscule en plein sable fait de petites tombes de cailloux noirs, à peine marquées dans l'ocre et le blanc aveuglant.

Chez moi, au Mas dingue je m'en rends compte après coup, beaucoup de vert, ces chaises et tables de jardin, ces bananiers, ces meubles anciens tout entiers teints en reflets de vert pour renaître de leur sombre coquille, ces ornements collections d'objets, pierres de tourmaline, paysages, entourant, enserrant des huacos sortis des tombes, dieux de la pluie et ustensiles primitifs et Itumbas de divination, parures fessières des danseuses Mangbetu,

poids Baoulés, bracelets de cheville d'esclaves,

beaucoup trouveraient ça un peu écrasant et comprendraient sans doute  que j'ai tellement eu besoin du dehors, du grand vent de voyages sans valises, juste des sacs de cabine et de nager dés que je le pouvais;

N de . . .

 "Naturaliser l'art * comme nous avons artialisé la nature" dit Montaigne.

* art (tout ce qui est artifice) au sens - pratiquement - du mot technique aujourd'hui.

Salut spécial . . .

 . . . aux lecteurs du Mexique.


mercredi 1 janvier 2025

Incroyable découverte.

 . . . . . oui bien sûr ce serait une incroyable découverte que de comprendre ce lien qui réunit ce si totalement absurde assemblage d'objets aussi hétéroclites et hétérogènes en apparence, termitières géantes, destruction des tours jumelles, cercles de poètes passionnés par et liés à des peintres amis produisant des critiques et des louanges, accumulation des couches humaines et devenues géologiques du temps en des cités antiques reconstruites indéfiniment sur ces vestiges en strates et utilisant parfois, récupérés les mêmes matériaux, ainsi que les calculs machiavéliques des despotes jamais très éclairés mais toujours avides de conquêtes terrestres ou cosmiques, mus par leurs traumatismes d'enfance et leurs échecs de jeunesse, oui ce serait merveilleux de com-prendre, d'em-brasser tout ça d'un seul regard, d'être ce dieu ou Dieu que Hegel entrevoie à la fin des temps et de la science, mais si justement, tout au contraire, notre vocation, notre pleine conscience et lucidité n'était que de fragmenter, poussant Descartes plus loin que sa méthode et au lieu de reconstituer la nature artificiellement et de prétendre faire des arcs en ciel plus beaux que les arcs-en-ciel (voir la Dioptrique), d'en rester là, à ces étroites plates-bandes reliées et inimitables plutôt que de saccager cette harmonie naturelle que nous avons démontée pièce à pièce. C'était un peu la leçon de Montaigne et . . . et curieusement de Descartes devenu plus vieux et l'ayant emporté dans ses propres voyages et tentatives  comme livre de chevet toute sa vie.

Vous le saviez, je suis plutôt adepte de la décroissance, tâche apparemment désespérée.

 

Couler (me).

 Pour me couler auprès de tous les éditeurs qui auraient envie de publier à titre posthume et donc sans pouvoir attendre de moi d'autres productions alléchantes,  tous mes fragments, plus nombreux qu'on ne pense, en forme de, ou plutôt, pour certains parfaitement formés (un livre de critique, des poèmes encore non publiés et . . . et trois romans, le tout sans doute devenu obsolète tant en intérêt d'actualité du contenu que de recherche formelle, de style et de lisibilité) et structurés, réellement impubliables pour plusieurs raisons partiellement énoncées et pour d'autres travaux, restés en état accumulé/dispersé (comme c'est le cas ici dans ce capharnaüm analphabiotique exposé en petits éclats), tout aussi impubliables du seul fait qu'il sont en cours de formation, et soyons honnête, à revoir et plein d'erreurs et incomplétudes internes, l'idée étant de produire un compendium en mouvement, par essence inachevé, j'ajouterai ceci : la notion non pas de brouillon mais de premier jet ou au contraire de reprise incessante me paraît dans ce que je fais et autant que je puisse moi-même en juger essentielle.

Ainsi, cette idée de "me couler" hors du circuit et des mouvements de récupération et de masse, en définitive, est la seule qui aujourd'hui me meut (comme on dirait : je suis un peu neuneu), me fait bouger, m'anime.

Et aussi, paradoxalement d'exposer ça, de le dilapider.

Et secondairement, mais après tout cela devient à mesure qu'on avance, essentiel : le fait de vous avoir comme interlocuteurs, lecteurs, tendant l'oreille et parfois lançant des liens d'amitié comme ce cordage qu'on lance, arrivant sur un nouveau rivage quand on aborde cette île où je me tiens, où je suis réfugiée, ne prenant moi-même que rarement le bac ou la barcasse pour rejoindre le continent.